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Lettre à une triste défunte

Republication d'une de mes anciennes nouvelles, modifiée et arrangée :).

Lettre à une triste défunte

Ma douce et tendre amie, toi qui es reléguée et prisonnière des infâmes solitudes de la mort, je ne cesse de maudire chaque jour ton absence...
Par-delà l'abîme de souffrance qui m'habite aujourd'hui, je ne peux continuer à vivre ainsi. Est-ce une vie que de n'avoir quiconque à ses côtés pour partager ses jours et ses nuits ? J'aimerais revenir au temps où tu n'étais pas malade et où nous étions heureux.
Je t'écris ces mots joyeusement, mais je suis lucide, je sais que tu ne peux les lire.
Tu es réduite au silence éternel, là où les cris des vivants ne t'atteignent plus.
Tes merveilleuses lèvres vermeilles, ton magnifique teint sépulcral pareil à la neige si froide d'un jour d'hiver, sur ton sublime visage alors reposant sur un doux linceul funèbre m'apparaît sans cesse. Mon esprit est meurtrit d'être ainsi hanté par ton souvenir.
Parfois, je me surprends à errer sans fin dans des paysages ensoleillés, qui pour moi, ne sont que lugubres et désolés. Je ne sais plus comment voir la beauté de ce monde, je ne suis qu'un homme et la mélancolie m'emprisonne.
Mais je m'égare quelque peu, j'en suis désolé.
En cette froide et morne nuit, que la lune n'éclaire plus, je ressens le besoin presque oppressant de te raconter mes tourments...
Auparavant, je possédais un chat, un merveilleux chat noir qui apportait un peu de gaieté dans mon existence fade et monotone.
Son pelage pouvait se comparer à la nuit noire, une nuit sans vie ni lumière. Ses yeux étaient si captivants que je me sentais mal à l'aise à chaque fois qu'ils me fixaient. J'avais la désagréable impression qu'ils pouvaient lire jusqu'au fond de mon être.
Malheureusement, il est décédé à la suite d'un pauvre coup du sort.
Coup du sort, qui je te l'avoue, fut en bonne et due forme volontaire.

Je suis lâche, comme tu as pu le voir tant de fois... Tu m'avais dit un jour que la venue d'un petit chaton dans notre maison t'aiderait à combattre ce mal qui te rongeait de l'intérieur, mais tu succomba trop tôt.
Quelquefois seulement, le remord et la culpabilité me rongent affreusement quand je songe à mon acte malsain. Mais cela ne dure qu'un temps, car je parviens à oublier ma culpabilité. Oui, car tu peux le deviner aisément, j'ai tué mon petit compagnon, notre ami.
Un jour où je vais sereinement à ma chambre me reposer, j'aperçois près de mon lit l'exact animal qu'était mon chat. Je crois tout d'abord à une simple mégarde de ma part. Je ne m'en inquiète donc pas.
Puis je commence à me rendre compte que cet animal perfide suit chacun de mes pas.
J'ai beau ignorer sa présence, en vain, il est toujours là, me surveillant comme s'il était sûr que j'allais commettre un acte odieux.
Mais peut-on réellement appeler cela une présence ?
Car en vérité, ce ne peut être un composé de chair et d'os, car cette étrangeté est bel et bien morte. J'en suis certain, la petite tombe creusée lors de sa mort est encore dans le jardin, et je me souviens m'être occupé des funérailles moi-même.
Cela fait désormais plusieurs jours qu'il m'observe, m'épie et me guette.
Et j'ai toujours l'impression d'être enchaîné tel un prisonnier enfermé dans sa propre demeure.
Ses yeux jaunes, son air sournois, son petit corps décharné, ses dents si pointues qu'elles pourraient presque me tuer si l'envie traversait son esprit. Et sa physionomie entière, si hideuse... C'est elle qui me fait le plus horreur, car elle me rappelle à quel point je suis faible et dépourvu de courage.
Mais je ne puis plus supporter cette immonde bête.
Vois-tu, toute cette infamie semble bien dérisoire ; un pauvre homme seul tourmenté à la vue d'un simple chat, un stupide petit chat d'ordinaire inoffensif...
D'autant plus qu'il ne peut pas être réel, c'est absolument impossible.
J'éprouve une immonde et cruelle envie de saccager sa sépulture dans l'espoir de regagner ma quiétude d'antan.
Je n'en puis plus, je me sens très troublé, mon cœur se serre de plus en plus, je suis impuissant et je crains de ne pas survivre à tous ces tourments.
J'ai profané sa tombe, il y a des débris de pierres sur la terre du jardin, une odeur pestilentielle tarde à se dissiper, mais qu'importe.
Je me sens un peu mieux, bien qu'ayant l'âme désastreuse.
Au réveil, il a enfin déserté les lieux.
Serait-ce le fait d'avoir détruit le cercueil, puis exhumé ce petit être ?
Ou alors serait-ce encore un effet de mon imagination ?
Je ne le sais pas, mais je n'y pense plus maintenant, parce qu'il n'est plus.
Je me sens libéré d'un poids considérable, mais ma mélancolie persiste toujours.
J'observe mon reflet dans le miroir, mon corps n'est plus le même, il est devenu plus maigre qu'avant, j'ai le regard vide et c'est à peine si j'ose affronter la lumière du jour.
Subrepticement, un mince sourire se profile sur mon visage sans que je n'en sache la raison, mais c'est le seul sourire qu'il n'y ai eu depuis bien longtemps...

Soudain, je manque de défaillir, dans mon dos se reflète une étrange personne.
Un chevalier, portant une immense épée qui doit être bien lourde, mais ici elle semble ne rien peser. Il est habillé de vêtements écossais, avec sur son long manteau, un blason royal dont je ne connais pas la signification. Son visage est terrifiant, pourtant je me sens irrémédiablement envoûté par sa beauté glaciale, qui est si magnifique qu'elle en devient terrible.
Je n'ose y croire, ce ne peut être possible. Suis-je fou ? Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Est-ce la solitude qui me pousse à voir des choses qui n'existent pas ?
D'une voix rauque et profonde, il dit : " toi qui as osé pénétrer en ces lieux, tu dois disparaître."
Sarcastique, il s'en va de la pièce d'une lourde démarche en disparaissant comme par enchantement une fois la porte franchie.
Je m'agenouille brutalement à terre, pleurant longuement.
Je ne sais ce qui m'arrive, je suis perdu, mais je ne partirai pas car je suis chez moi et même si je suis littéralement mort de peur, je ne fuirai pas !
Les jours passent, ce n'est que suite d'avertissements dont je fais l'objet, les murs sont recouverts de menaces et de signes que je ne comprends pas, on dirait une autre langue...

Je suis vraiment très inquiet.
Je trouve avec peine la force de me lever chaque matin, déployant d'immenses efforts pour seulement m'habiller avec peine.
De jour en jour, je m'affaiblis, en proie au désespoir. Je me sens tellement misérable.

Mon chagrin est insurmontable et je commence à me dire que la mort serait préférable à cette non-existence, à quoi bon vivre si c'est pour demeurer ainsi ?

Toutefois, un matin, je constate que ces manifestations diaboliques ont disparues, comme le chat, elles se sont envolées.
L'appétit et le goût de vivre me reviennent, je n'ai plus peur, je suis soulagé et l'espoir de connaître des jours meilleurs m'habite.
Ma douce ténébreuse, je me sens renaître en t'écrivant ces quelques lignes.
Aussi, c'est à regret que je dois arrêter ce courrier.
Une pensée me parvient à l'esprit ; suis-je si désœuvré au point de t'écrire tout en sachant que jamais tu ne liras ma lettre ? Je suis sans doute un idiot pour croire aux miracles.
Mais je suis perdu à jamais dans l'océan profond de ma solitude sans toi.
Ma magnificence, ma belle brune, je te hais tant de m'avoir abandonné...
Ton cher ami.


Il est assis et écrit fiévreusement à son amour perdu, un sourire éclairant son visage. Soudainement, en se retournant, il a la vision de ce qui peut être le plus rude, le plus dérangeant, le plus étrange et le plus effrayant pour un être humain.
Devant le miroir, dans toute sa splendeur se tient un squelette.
Cette carcasse est muette mais le simple bruit de ses os sur le plancher suffit à faire naître l'horreur en lui.
L'homme, les yeux écarquillés, remplit de terreur, la bouche muée en un sombre rictus ; éclate d'un rire guttural. Il est en proie à une vive démence. Machinalement, il s'approche de sa fenêtre déjà ouverte. Une douce brise l'assaille, le clair de lune qu'un nuage laisse apparaître inonde tout à coup son visage. Tremblant de peur à la vue de ce squelette s'approchant inexorablement de sa proie, l'homme incroyablement seul agrippe avec force la dague qu'il garde toujours dans sa poche.
Souhaitant abandonner la pourriture de son existence maudite, il se transperce profondément le cœur. La douleur est insupportable, mais elle n'est rien face au bonheur qui le submergera en retrouvant sa femme.

Le sang vermeil coule silencieusement...

Le sol s'inonde peu à peu, et tout ce fait silencieux.

Dans la pièce ne demeure plus que l'homme qui a détruit sa vie.
Mais savait-il seulement, dans sa triste folie, que sa bien-aimée n'était qu'une simple vision ?








20/08/2014
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